Parce qu’il peut alléger considérablement les droits de succession, le démembrement de propriété permet d’optimiser la transmission de votre patrimoine immobilier. Il constitue donc un outil de défiscalisation d’une efficacité redoutable. Cependant, l’article 109 de la Loi de finances pour 2019 semble vouloir remettre en cause cette faveur fiscale. Mais est-ce (vraiment) son intention ? Décryptage d’un texte controversé.
1. Démembrer pour réduire les droit de succession
Le droit de propriété ou pleine propriété est composé de trois droits complémentaires les uns des autres :
> l’usu et le fructus constituant l’usufruit qui donne le droit de jouir et de tirer les fruits d’un bien immobilier.
> l’abusus constituant la nue-propriété qui donne le droit de disposer du même bien (le vendre, le détruire, …)
Afin de préparer au mieux votre succession, il vous faut faire appel à un notaire qui vous proposera certainement de procéder au démembrement de votre patrimoine. Il s’agira alors de séparer officiellement (par acte authentique) votre droit de propriété en deux : Vous conserverez l’usufruit de vos biens que vous pourrez continuer d’habiter ou de louer. Et c’est seulement la nue-propriété qui fera l’objet d’une donation. L’intérêt de ce montage est souvent fiscal.
> D’une part, les droits de donation ne seront que sur une partie de la valeur du bien transmis déterminé suivant un barème légal établi selon l’âge de l’usufruitier.
L’article 669 du Code général des impôt précise, par exemple, que la valeur de la nue-propriété équivaut à 80% de la valeur de propriété entière pour un donateur de plus de 81 ans et seulement de 30% pour un donateur de moins de 51 ans. Ainsi, plus vous préparerez jeune la transmission de votre patrimoine, moins les droits à payer seront élevés.
> D’autre part, lorsque vous mourrez la pleine propriété du bien transmis se reconstituera « automatiquement ». L’usufruit que vous aviez conservé viendra alors rejoindre la nue-propriété dont vos héritiers disposaient déjà. Cette reconstitution automatique échappe totalement aux droits de succession.
Bon à savoir
Dans le cadre d’une donation en démembrement de propriété, il est possible de transmettre non seulement un logement mais aussi des titres d’une société.
2. Bercy a-t-il (vraiment) voulu pénaliser les donations en démembrement de propriété ?
Tout semblait donc aller parfaitement. Cependant, à la lecture de l’article 109 de la Loi de finances pour 2019 et de la nouvelle définition qui y est donnée de la notion « d’abus de droit », il semble que les donations en nue-propriété soient dans le collimateur de l’administration fiscale. Jusqu’à présent, seules les donations réalisées dans un but « exclusivement » fiscal étaient considérées comme abusives impliquant des sanctions pour leurs auteurs. Dorénavant, tomberaient également sous le coup de la loi, les donations réalisées à des fins « principalement » fiscales.
En clair, l’avantage fiscal conféré par la donation en nue-propriété devra n’être qu’accessoire et l’administration pourrait donc considérer qu’au-delà d’un certain seuil d’économies d’impôt, les motivations d’un donateur seraient essentiellement fiscales. Et que plutôt que de récompenser ses enfants, il aurait surtout cherché à profiter d’une ristourne fiscale…
Bon à savoir
De 40 à 80 % ! C’est le montant (dissuasif !) des pénalités encourues par un donateur qui aurait commis un « abus de droit », au sens de l’article 109 de la Loi de finances pour 2019.
3. Pas de panique : le Ministre du Budget se veut rassurant !
De l’avis d’une majorité de professionnels du droit, ce qui pose problème avec l’article 109, c’est qu’il est sujet à interprétation. À partir de quel montant une réduction fiscale fait-elle passer une intention de libéralité au second plan ? À quel moment un gain fiscal fait-il peser des doutes quant aux intentions du donateur ? La défiscalisation serait-elle devenue hors-la-loi ? Et l’appréciation que l’administration émettra d’une défiscalisation ne risque-t-elle pas de fluctuer, d’un centre des impôts à l’autre ? Pas de panique : le Ministre de l’Action et des Comptes Publics a tenu à rassurer tout le monde.
> Il a ainsi expliqué que la modification dont a fait l’objet la définition de l’abus de droit (« exclusivement » cédant la place à « principalement ») ne remet pas en cause les « transmissions anticipées de patrimoine, notamment celles pour lesquelles le donateur se réserve l’usufruit du bien transmis, sous réserve que ces transmissions soient bien réelles ». Il a également ajouté que « la loi fiscale encourageait les transmissions anticipées de patrimoine entre générations parce qu’elles permettaient de mieux organiser les successions ».
> Egalement, l’article 109 ne rentrera en application qu’au 1er janvier 2020.
> Enfin, la multiplicité des avantages (autres que purement fiscaux) pouvant être attachés à une donation en démembrement de propriété devrait, à elle seule, contribuer à rassurer les donateurs. Et pour cause, ceux-ci pourraient très facilement apporter la preuve qu’en transmettant un bien à leurs héritiers, ils poursuivaient d’autres buts (éviter une éventuelle captation d’héritage, par exemple) que celui de payer moins d’impôts. Si vous avez un projet patrimonial, soumettez-le à un conseiller en gestion de patrimoine. Son expertise lui permettra de vous aider à organiser la transmission de votre patrimoine et à minimiser son empreinte fiscale.
Les points clés à retenir
- Les donations en nue-propriété ont pour avantage de réduire considérablement le montant des droits devant être payés.
- L’article 109 de la Loi de finances pour 2019 punit désormais les donateurs qui auraient poursuivi un but « principalement » fiscal (dans sa précédente version, l’article prévoyait une sanction à l’encontre des donations motivées « exclusivement » par l’appât d’un gain fiscal).
- En pratique, les donations en nue-propriété (dans le cadre desquelles le donateur conserve l’usufruit) ne devraient pas être pénalisées.
- L’article 109 ne s’appliquera qu’aux « actes passés à compter du 1er janvier 2020 » (G. Darmanin).